Un chiffre qui résume tout : à Mumbai, plus de 20 millions d’habitants et pas un seul autorickshaw dans le centre historique. Les rues vibrent, les klaxons martèlent le tempo, mais les fameux trois-roues verts et jaunes, pourtant emblématiques de l’Inde urbaine, restent à la lisière. Pourquoi ce bannissement si singulier ?
À Mumbai, les autorickshaws restent interdits dans plusieurs secteurs centraux, en vertu d’une règle ancienne ancrée dans la gestion urbaine de la ville. Cette exclusion concerne principalement le sud de la ville, territoire réservé aux fameux taxis noirs et jaunes.Les autorités locales brandissent l’argument de la gestion du trafic et de la sécurité pour maintenir cette restriction. Malgré des demandes répétées en faveur d’une évolution, la mesure demeure immuable. Parmi toutes les grandes villes indiennes, le cas de Mumbai fait ainsi exception.
Plan de l'article
Mumbai et ses transports : un écosystème urbain sous pression
Circulez à Mumbai n’a rien du luxe : ici, se déplacer relève du combat quotidien. Sur l’asphalte, tout le monde se fraye un chemin. Les bus rouges du BEST arpentent chaque quartier, traçant une toile vivante reliant banlieues et centre. À la gare Chhatrapati Shivaji Terminus, le flot ininterrompu des voyageurs sur les quais rappelle à quel point la densité humaine structure la ville : la foule se mesure en patience, en sueur, en temps passé à attendre son tour.
Arrivé tardivement dans le paysage, le métro promet confort et rapidité mais peine à couvrir la ville façon tentaculaire. Les taxis noirs et jaunes, seuls à pouvoir traverser les quartiers du centre, règnent sur des axes où rickshaws et deux-roues s’arrêtent. Et depuis l’aéroport, chacun compose avec les correspondances entre taxis, autobus et trains pour atteindre le cœur de la cité.
Voici une synthèse claire des modes de déplacement qui trament la ville :
- Les bus BEST desservent sans relâche tous les quartiers.
- Les trains constituent l’épine dorsale du quotidien, reliant le nord et le sud de Mumbai.
- Le métro propose une alternative rapide mais reste limité à certains secteurs.
- Taxis et auto-rickshaws se partagent les zones, chacun sur son territoire déterminé.
Ce patchwork fonctionne grâce à la coordination d’entités telles que Central Railways, Western Railways et la MMRDA pour le métro. La croissance démographique galopante poursuit sa course, et Mumbai, toujours mouvante, impose à ses habitants l’épreuve constante d’organiser chaque trajet.
Pourquoi les auto-rickshaws sont-ils interdits dans certaines zones de la ville ?
Impossible de monter dans un auto-rickshaw à South Mumbai. Depuis l’an 2000, le sud de la ville repousse fermement les trois-roues hors de ses quartiers emblématiques. Loin d’un hasard administratif ou d’une querelle de syndicat, cette fermeture découle d’une réalité concrète : dans ce centre densément peuplé, où se côtoient marchés, grandes entreprises, espaces publics et flux ininterrompus, il n’y a tout simplement pas la place. Ajouter une flotte de rickshaws, réputés pour leur lenteur et leur manque de stabilité comparés aux taxis, reviendrait à intensifier les embouteillages déjà fort nombreux.
Pour limiter la dégradation du trafic, la municipalité a imposé une répartition stricte : les taxis noirs et jaunes sillonnent le centre et le sud, tandis que les auto-rickshaws occupent les banlieues nord. La logique est simple : seuls les taxis présentent la robustesse nécessaire pour affronter le tumulte urbain, là où chaque minute compte et où la circulation, même au ralenti, peut devenir éprouvante.
Retenons donc cette règle urbaine spécifique :
- Auto-rickshaws : limités aux zones suburbaines et banlieues.
- Taxis noirs et jaunes : seuls véhicules à pouvoir circuler dans le centre et dans le sud de Mumbai.
Cette répartition sert à contenir les flux et tenter de maintenir un minimum de fluidité dans les quartiers stratégiques. Les auto-rickshaws conviennent pour relier marchés voisins et zones résidentielles excentrées, mais pas pour s’aventurer dans la fournaise centrale. Le choix du véhicule dépend ainsi à la fois du plan de la ville et de ses héritages historiques.
Entre réglementation, sécurité et congestion : les véritables raisons de l’exclusion
L’exclusion des autos du centre de Mumbai n’est ni arbitraire, ni nostalgique. Au fil des années, la gestion du trafic est devenue une priorité. Plus la densité urbaine s’accentue, plus chaque véhicule pèse dans la balance. Les tuk-tuks, adaptés à la desserte locale dans des rues calmes ou étroites, trouvent rapidement leurs limites sur les axes principaux où la circulation ne laisse aucun répit. Sur ces routes-là, bus, taxis et véhicules privés se livrent bataille mètre par mètre.
La question de la sécurité intervient aussi. Conçus sur le modèle du Piaggio, les auto-rickshaws indiens, produits par Bajaj, affichent une légèreté peu rassurante quand la circulation devient furieuse. Petit format, structure ouverte, protections minimales : difficile de faire face à la brutalité du centre-ville. Les autorités pointent régulièrement le risque accru pour les passagers dans cet environnement hostile.
L’efficience a son pesant d’influence. Pour garantir l’accès des zones d’affaires et des services publics majeurs, il faut maintenir les grands axes ouverts à des véhicules puissants et résistants, d’où le choix de favoriser les taxis. Voici la logique appliquée dans la ville :
- Les taxis noirs et jaunes, plus costauds, restent incontournables sur les boulevards du centre.
- Les auto-rickshaws restent circonscrits aux trajets de proximité, hors du flux principal.
Dans le paysage urbain mumbaiite, le tuk-tuk conserve sa fonction, mais son royaume s’arrête là où la congestion prend un autre visage.
Quelles alternatives pour se déplacer efficacement à Mumbai aujourd’hui ?
Mumbai propose une large palette d’options pour circuler à travers la ville. Le train dit local, véritable colonne vertébrale, transporte chaque jour des millions de passagers du nord au sud sur les réseaux Central Railways et Western Railways. Rapide et imbattable pour éviter les embouteillages, il exige toutefois un sens aigu de la gestion de foule, tant les gares sont bondées à l’heure de pointe.
Les bus BEST, reconnaissables à leur rouge caractéristique, couvrent chaque recoin du territoire urbain, particulièrement là où le train ou le métro n’accèdent pas encore. Le métro, en pleine expansion, offre une promesse de confort et de ponctualité, même si de nombreux quartiers attendent encore son passage. Pour ceux qui souhaitent de la flexibilité ou relier des destinations non desservies par les grandes lignes, les taxis noirs et jaunes restent d’actualité, garants d’un tarif réglementé et d’une présence continue sur la chaussée.
Les voitures avec chauffeur sont présentes, mais s’avèrent moins pratiques que les transports collectifs pour accéder rapidement au centre. Quant aux e-rickshaws, ils commencent à poindre dans les banlieues, esquissant une évolution que peu auraient anticipée il y a encore dix ans. Toutefois, rien n’annonce pour l’instant leur autorisation dans le centre-ville.
Mumbai force chaque résident et visiteur à se réinventer dans ses déplacements, à composer chaque jour avec un réseau dense, un passé tenace et une ville qui ne s’interrompt jamais. Tant que la règle restera en vigueur, les autorickshaws regarderont le centre-ville de loin. Mais l’histoire de Mumbai s’écrit précisément sur ses ruptures : un grain de sable, et la mobilité urbaine pourrait, sans prévenir, changer de visage.